Les fruitiers rares
 
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Accueil > Groupes > Fruitiers sauvages > Mespilus germanica 'Monstrueuse d'Evreinoff', un cultivar contrasté.

 

Article publié en 2003.
Auteur : François DROUET.
Photographies : François DROUET.
Tous droits réservés.

 

 

Mespilus germanica 'Monstrueuse d'Evreinoff'

 

Un cultivar contrasté

 

 

 

Le Néflier d'Allemagne (Mespilus germanica L.) est un arbre très rarement planté en zone méditerranéenne, où les autochtones, dans leur majorité, ignorent jusqu'à son existence, pensant que seul le Néflier du Japon, Eriobotrya japonica (Thunb.) Lindl., produit des "nèfles" et que la nèfle ne peut être qu'un fruit jaune ou orange se consommant au printemps... Pour ma part, grand amateur de fruits blets et de saveurs exotiques par rapport à celles, que j'adore par ailleurs, de mon Midi natal, je collectionne les cultivars de Mespilus germanica L. sur un terrain en campagne du littoral varois. Ma collection pousse dans un sol de texture assez lourde (limon argilo-sableux), très profond et de pH 7,6. Elle bénéficie du plein soleil toute la journée. Contrairement à une idée répandue, le Néflier d'Allemagne est bien adapté au climat méditerranéen, se contentant, une fois établi, d'un copieux arrosage tous les quinze jours en période sèche.

Pour illustrer ce fruitier attrayant et pour disserter sur la dégustation de ses fruits, j'ai choisi la variété 'Monstrueuse d'Evreinoff' qui offre des qualités et des défauts propices à cet exercice. Elle se caractérise par une vigueur forte (volume de 30 % supérieur à celui d'un cultivar courant à gros fruits), mais l'arbre ne dépasse pas, dans mes conditions de culture, les quatre mètres de haut en toute fin de croissance. Mon spécimen, âgé de treize ans, mesure 3 mètres de haut, pour une largeur de 3 mètres également, et présente un bel aspect.
 

Mespilus germanica 'Monstrueuse d'Evreinoff' âgé de treize ans

Mespilus germanica 'Monstrueuse d'Evreinoff' âgé de treize ans.
 

Sa silhouette hivernale montre un arbre sain, bien développé. Tous les autres cultivars de la collection, qui environnent le précédent, sont également en pleine santé.
 

Mespilus germanica 'Monstrueuse d'Evreinoff' (treize ans, silhouette d'hiver)

Mespilus germanica 'Monstrueuse d'Evreinoff' (treize ans, silhouette d'hiver).
 

Comme c'est le cas pour toutes les variétés de Mespilus germanica L., la floraison est brève mais d'une grande beauté.
 

Floraison de Mespilus germanica 'Monstrueuse d'Evreinoff'

Mespilus germanica 'Monstrueuse d'Evreinoff' : floraison.

 

Fleur épanouie et bouton floral de Mespilus germanica 'Monstrueuse d'Evreinoff'

Mespilus germanica 'Monstrueuse d'Evreinoff' : fleur épanouie et bouton floral.
 

La récolte est très abondante (plusieurs centaines de fruits), et la production régulière d'une année sur l'autre (pas d'alternance).
 

Fructification de Mespilus germanica 'Monstrueuse d'Evreinoff'

Mespilus germanica 'Monstrueuse d'Evreinoff' : fructification.

 

Mespilus germanica 'Monstrueuse d'Evreinoff' : fruits

Mespilus germanica 'Monstrueuse d'Evreinoff' : fruits.
 

La caractéristique de cette variété est la production de très gros fruits, dont beaucoup atteignent les cinq centimètres de diamètre. Le plus gros de la dernière récolte présentait un diamètre de 5,7 cm, pour un poids de 70 grammes (contre 2,7 cm et 12 grammes pour la plus grosse des nèfles communes). 
 

Fruit de Mespilus germanica 'Monstrueuse d'Evreinoff'

Fruit de Mespilus germanica 'Monstrueuse d'Evreinoff'.
(en bas, nèfle commune).

 

C'est la variété qui fournit les plus gros fruits dans ma collection, qui comporte pourtant plusieurs cultivars à gros fruits. Les fruits ont majoritairement une forme aplatie, caractéristique des cultivars à fruits énormes.
 

Mespilus germanica 'Monstrueuse d'Evreinoff' : fruits (majoritairement aplatis)

Mespilus germanica 'Monstrueuse d'Evreinoff' : les fruits sont majoritairement aplatis.
 

La fructification est précoce, mais de faible conservation sur l'arbre. Les fruits atteignent leur plein développement et commencent à tomber au sol à la mi-octobre, ce qui est plus précoce de quinze jours à trois semaines que ce qui se produit pour la plupart des autres variétés. Non récoltés, ils peuvent blettir sur l'arbre, mais chutent assez rapidement, blets ou non, aucun fruit ne tenant jusqu'à la Noël, contrairement à ceux de la majorité des autres variétés.
 

Fruit blet de Mespilus germanica 'Monstrueuse d'Evreinoff'

Fruit blet de Mespilus germanica 'Monstrueuse d'Evreinoff'.
 

La légende d'un arbre ne connaissant "ni maladies ni parasites", déjà contestable dans les régions du Nord, s'effondre totalement dans le grand Sud où la mouche méditerranéenne des fruits (cératite, Ceratitis capitata Wiedemann) rend inconsommables 100% des fruits certaines années (malgré leur nombre), si aucune mesure préventive n'est mise en œuvre. C'est d'ailleurs aussi le cas pour les jujubes...

Pour 'Monstrueuse d'Evreinoff', comme pour les autres variétés à très gros fruits, on peut regretter deux défauts par rapport aux variétés à fruits non aplatis, qu'elles soient néflier commun ou cultivars à gros fruits (dits macrocarpa) : malformation d'un pourcentage non négligeable de fruits et difficulté de blettissement. Les malformations, qui peuvent affecter 20% des fruits portés par l'arbre, concernent essentiellement une fermeture incomplète de la face aplatie opposée au pédoncule, faisant apparaître une fente plus ou moins prononcée, accompagnée dans la majorité des cas d'un pourrissement interne partiel. La difficulté à blettir se traduit par un déséquilibre, au cours de ce processus délicat, entre le cœur du fruit (qui se dessèche et pourrit sans blettir) et la chair située sur une certaine épaisseur sous la peau (qui blettit normalement et de façon uniforme). Ceci même si l'on met les nèfles à blettir dans un endroit frais (cave ou garage), en les disposant côte à côte de façon aérée. Bien entendu, il faut éviter de mettre à blettir celles-ci à température ambiante d'une maison normalement chauffée, car le dessèchement sans blettissement, et donc l'impossibilité de consommer les fruits, sont alors inéluctables.

Peut-être, pour contrecarrer la difficulté rencontrée avec les cultivars à fruits énormes tel 'Monstrueuse d'Evreinoff', faudrait-il utiliser la méthode jadis en faveur dans certaines de nos campagnes, qui consistait à mettre les nèfles en sac et à les battre avec un bon bâton pour en faciliter le blettissement ultérieur? Je ne l'ai pas expérimentée. J'ai en revanche réalisé diverses tentatives de blettissement au réfrigérateur, mais elles n'ont pas donné de résultats positifs, les fruits se desséchant dans leur totalité. Concernant l'action du froid sur le blettissement, je puis également confirmer que la nécessité des "premières gelées", si souvent évoquée dans certains ouvrages ou revues, est bien un mythe, dénoncé d'ailleurs par les connaisseurs du Néflier d'Allemagne. Chez moi, les premières gelées n'apparaissent au plus tôt que fin novembre à mi-décembre, selon les années, et la majorité des nèfles (de toutes variétés) ont alors déjà bletti sur l'arbre ou à terre.

La saveur des fruits de 'Monstrueuse d'Evreinoff' est agréable, bien équilibrée entre le caractère sucré, presque liquoreux dans certains cas, et la pointe d'acidité qui ravit les connaisseurs... Ce n'est pas le cas de tous les cultivars à gros fruits, même de certains qui produisent des fruits plus petits que ceux de 'Monstrueuse d'Evreinoff'. Si le sélectionneur n'y a pas pris garde, les fruits, attractifs en taille, peuvent révéler une acidité excessive qui enlève tout le charme des nèfles blettes (et conduit directement à l'arrachage du plant greffé si l'on est un véritable amateur de ce fruit exquis...). Ce risque d'acquérir des plants greffés produisant des fruits de belle taille mais avec un défaut de goût rédhibitoire n'est pas connu du grand public, mais j'en ai eu l'expérience concrète. L'idéal serait de pouvoir goûter aux fruits avant l'achat d'un plant greffé, ce qui se révèle irréalisable dans la quasi-totalité des cas. Mais lorsqu'on peut le faire, il ne faut pas hésiter, bien que ce défaut de saveur ne se rencontre que rarement.

La dégustation des nèfles blettes confine à l'art. Le blettissement a réussi et se trouve à son point optimal lorsque la couleur de la totalité du fruit est marron crème foncé et que l'aspect du fruit est uniformément lisse.
 

Fruits sains de Mespilus germanica 'Monstrueuse d'Evreinoff', à l'état blet

Fruits sains de Mespilus germanica 'Monstrueuse d'Evreinoff', à l'état blet.
 

L'intérieur d'un fruit sain et à point se révèle strictement des mêmes couleur et apparence que l'extérieur de celui-ci.
 

Fruits sains de Mespilus germanica 'Monstrueuse d'Evreinoff', à l'état blet

Fruits sains de Mespilus germanica 'Monstrueuse d'Evreinoff', à l'état blet.
(en bas, les cinq pépins d'un fruit).

 

Un fruit noirâtre, même sur une faible partie de la peau, est toujours pourri. Le noircissement de la zone aplatie et légèrement concave située entre les restes du calice, à l'opposé du pédoncule, est la manifestation la plus fréquente, et toujours vérifiée, d'un pourrissement interne total ou partiel du fruit. Ceci est vrai d'ailleurs bien avant que le fruit n'ait bletti, s'il y parvient. L'élimination des fruits de ce type s'impose dès leur identification sur l'arbre ou lors de l'étalement des fruits en zone de blettissement.
 

Mespilus germanica 'Monstrueuse d'Evreinoff'

Mespilus germanica 'Monstrueuse d'Evreinoff'.
 Fruits en cours de blettissement, mais partiellement pourris.

 

La texture au toucher doit être molle mais ferme, quelle que soit la partie du fruit testée. Un fruit gonflé, à la texture liquide, a fortiori laissant perler une goutte suspecte, traduit à coup sûr une fermentation le rendant inconsommable. Des parties dures au toucher sont révélatrices de zones imparfaitement blettes, signe qu'il faut encore attendre. Une peau plissée, un fruit ratatiné, signifient dessèchement au lieu de blettissement, et donc fruits impropres à la consommation. Dans le cas où, malgré l'aspect et le toucher, il reste un doute sur le pourrissement éventuel du fruit, il faut avoir recours au test olfactif qui est d'une efficacité totale : ouvrir le fruit et le humer lentement mais fortement.

Un fruit sain et blet à point exhale une odeur agréable avec une pointe d'acidité caractéristique que l'on sait reconnaître à coup sûr si l'on a senti de près et avec attention, une fois dans sa vie, l'intérieur de deux ou trois fruits sains avant de les déguster. Un fruit pourri, même légèrement, se trahit par l'une parmi trois odeurs, selon le cas : soit une odeur fortement acide, soit une odeur foetide qui enlève toute tentation de goûter, soit une odeur légère de champignon, somme toute plaisante mais qui doit conduire à l'élimination du fruit, car le goût, lui, n'a rien de plaisant...

Attention, si la couleur et la texture ont les caractères requis, cela ne met pas à l'abri d'une mauvaise surprise éventuelle. En effet, parmi les fruits qui ont une totale apparence de fruits sains et blets à point, certains présentent à leur surface des trous légèrement supérieurs au volume d'une tête de grosse épingle, et qui passent facilement inaperçus. C'est le signe discret mais significatif de l'attaque de la mouche méditerranéenne des fruits (cératite, Ceratitis capitata Wiedemann). Lorsque l'on ouvre le fruit, on aperçoit généralement au cœur de celui-ci des zones grisâtres très visibles et à l'odeur foetide. Dans certains cas, la pulpe paraît tout à fait saine, sauf aux alentours des trous où elle est liégeuse et malodorante. L'expert en dégustation de nèfles sait que l'on peut récupérer la partie saine et majoritaire de la pulpe, onctueuse à souhait. Mais par commodité, voire facilité, il jette le fruit. Ils sont si nombreux... En outre, il est psychologiquement inconfortable de savoir que l'on a partagé le fruit avec les larves de la cératite... On peut d'ailleurs parfois observer dans le fruit une ou plusieurs larves de quelques millimètres de long et de couleur blanc jaunâtre, avec une pointe noire (pièces buccales) à l'extrémité la plus fine.

Pour ceux qui n'ont pas l'habitude de consommer des nèfles blettes, indiquons le "tour de main" indispensable à une dégustation réussie : avec un couteau à pointe, couper le reste du pédoncule et enlever délicatement le côté opposé qui comprend le reste du calice. On élimine ainsi les deux parties sans goût et de texture peu agréable en bouche, pour ne laisser que la pulpe entourée d'une fine peau. Sur le terrain, le même résultat s'obtient en arrachant le reste du pédoncule et le reste du calice de deux coups de dents habiles, aux pôles opposés du fruit, dans le même mouvement, pour les recracher aussitôt ensemble et mettre goulûment en bouche la pulpe et sa peau fine.

Une méthode plus rapide, mais occasionnant une perte de pulpe à consommer, consiste à tenir la nèfle entre trois doigts (le pouce, l'index et le majeur), pédoncule vers l'intérieur, à trancher d'un vif coup de dent la partie plane de la peau portant les pointes qui sont les restes du calice, de la recracher aussitôt et de gober pulpe et pépins tout en pressant avec les doigts. Faut-il mettre le pédoncule vers l'intérieur, comme indiqué, ou ne vaut-il pas mieux le tenir vers l'extérieur car il est alors plus facile de trancher le fruit avec les dents ? C'est plus facile en effet, mais trancher avec les dents l'apex (partie avec les pointes qui sont les restes du calice) permet de mieux détecter un fruit pourri en partie avant de gober l'intégralité de la pulpe. En effet, dans la majorité des cas le pourrissement du fruit commence par cette zone. Gober le fruit par le côté pédoncule conduit à avoir en bouche la partie pourrie mélangée à la partie saine. Recrachage immédiat de la totalité garanti...

Quel que soit le côté choisi pour gober, une partie de la pulpe reste accrochée aux parois et au fond du fruit vidé, donc on en a légèrement moins en bouche, mais on évite la peau, ce qui se traduit par une dégustation plus fine. En effet, bien que peu perceptible et insipide, la peau rend la texture de l'ensemble consommé légèrement plus grossière. Puis il faut doucement écraser le tout avec la langue contre l'avant du palais, pour profiter pleinement des arômes et des saveurs. Pour finir la dégustation, veiller à remuer longuement en bouche les cinq pépins à la forme tourmentée que renferme le fruit, pour bien en séparer la pulpe adhérente, avant de les recracher.

Oui, Mespilus germanica L., le Néflier d'Allemagne, est bien un fruitier majeur... Et pourquoi ne pas adopter sa variété 'Monstrueuse d'Evreinoff', avec ses nombreuses qualités et ses quelques défauts ?

 

 

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