Les fruitiers rares
 
Articles généraux      Espèces      Groupes      Pépinières      Non-French items

 


Accueil > Espèces > Kaki > Culture de Diospyros kaki : quelques observations et conseils.

 

Article publié en 2010.
Auteur : François DROUET.
Photographies : François DROUET.

Tous droits réservés.

 

 

Culture de Diospyros kaki

 

Quelques observations et conseils

 

 

 

Je cultive depuis une trentaine d'années une collection de variétés astringentes et non astringentes de Diospyros kaki Thunb. (Plaqueminier du Japon, ou Kaki). J'apprécie beaucoup cette espèce fruitière, que je recommande particulièrement. Il me paraît utile de livrer quelques observations de culture et conseils spécifiques pour ceux qui s'apprêtent à tenter sa culture, ceux qui se sont lancés mais qui manquent d'expérience, ou ceux qui ont à sauvegarder un vieux sujet périclitant. Selon le plan suivant : démarrage en culture, véritable facteur limitant la fructification en cas de gelées printanières, précaution particulière pour prélèvement de greffons, sauvegarde de vieux sujets (recherche de greffons, régénération par repercement), observations de rusticité. A titre documentaire, j'ai inclus en fin d'article la contrainte à connaître pour hybrider Diospyros kaki Thunb. avec Diospyros virginiana L.

 

DÉMARRAGE EN CULTURE

 

Diospyros kaki est une espèce assez capricieuse au démarrage. Deux éléments à retenir : la sensibilité à la sécheresse et la potentialité de mise à fruit longue et irrégulière.

 

SÉCHERESSE

Le danger principal que court un scion planté en terroir sec est la mort par sécheresse, si l'on n'est pas vigilant. Il demande un arrosage très suivi tant qu'il n'est pas bien établi. Ceci explique la perte des feuilles sur des jeunes sujets insuffisamment arrosés. En outre, le plant produit beaucoup de bois sec. Parfois des charpentières assez grosses sèchent. Dans certains cas, toutes les charpentières de deux ou trois ans peuvent sécher...

Tout cela ne doit pas vous inquiéter. Arroser abondamment (tous les deux jours) en période sèche, tant que l'arbre n'est pas établi. Ensuite, selon la nature de votre sol, un arrosage par semaine, voire tous les 10 à 15 jours, suffit. Au début du printemps, lorsque la pousse des feuilles permet de le repérer, coupez (ou faites tomber par un coup de doigt ferme s'il s'agit de petits rameaux) tout le bois sec. Faites le même avant, si vous repérez du bois sec hors période de feuillage.

La plante reproduit heureusement facilement de nouveaux rameaux, même si la sécheresse lui a fait perdre tout son branchage. Des charpentières séchées peuvent ainsi être facilement reconstituées par sélection de rameaux bien placés. Si une partie du tronc sèche, il suffit qu'il reste une portion saine au dessus du point de greffe pour reconstituer un tronc par reprise d'un seul rameau conservé et redressé en flèche le long d'un tuteur, après avoir coupé la partie sèche. Une fois la nouvelle flèche lignifiée, il convient de la couper à la hauteur de tronc souhaitée.

 

MISE A FRUIT

La mise à fruit, ainsi que la fructification régulière, sont très longues à se déclencher pour beaucoup de variétés. Pour certaines d'entre elles, pendant les 8 premières années, la floraison peut être nulle ou ne s'effectuer que certaines années. En outre, dans le cas de floraison, celle-ci peut être suivie de la chute de tout ou partie des fruits lorsqu'ils sont verts et de petite taille.

Vous pouvez réduire le temps d'atteinte de la fructification régulière si vous faites un apport annuel de fumier décomposé. Une fois l'arbre fructifiant régulièrement, l'apport de fumier n'est plus obligatoire. On peut l'effectuer tous les trois ans toutefois, si l'on veut augmenter le volume des fruits ou si l'arbre se montre chétif.
 

Diospyros kaki Thunb. : coupe de fruits blets

Diospyros kaki Thunb. : coupe de fruits blets.

 

ATTENTION AU VÉRITABLE FACTEUR LIMITANT LA FRUCTIFICATION EN CAS DE GELÉES PRINTANIÈRES

 

Chez Diospyros kaki, ce sont uniquement les rameaux de l'année qui portent des fleurs, donc fructifient. Or les jeunes rameaux en cours de débourrement (donc avant la floraison) sont tendres et se lignifient lentement. Ils ne résistent pas au gel. C'est donc ce stade, et non celui de la floraison, qui est le véritable facteur limitant pour la fructification. De ce fait, en zones froides sujettes à gelées printanières tardives, il faut évaluer ou tester la période de débourrement, et non la période de floraison, dans les conditions climatiques locales. C'est ce critère de sélection complémentaire qu'il faut appliquer aux cultivars de Diospyros kaki très résistants au froid.
 

Diospyros kaki Thunb. : jeune rameau sensible au gel

Diospyros kaki Thunb. : jeune rameau sensible au gel. 

 

PRÉCAUTION AVANT PRÉLÈVEMENT DE GREFFONS

 

Pour Diospyros kaki, une précaution particulière s'impose lorsque l'on souhaite prélever des greffons. En cours d'automne, lors de la pleine fructification, il faut sélectionner les branches des arbres mères sur lesquelles on prélèvera les greffons. Ces branches doivent être celles qui portent des fruits typiques de la variété et les plus beaux. On repérera ces branches, par exemple par une étiquette ou un bout de chiffon en noeud.

Cette précaution est nécessaire parce que chez Diospyros kaki, comme chez les Citrus, on constate souvent des mutations de bourgeons. Ce phénomène consiste en l'apparition de branches donnant des fruits qui diffèrent plus ou moins nettement des fruits typiques de la variété. Si l'on prend des greffons sur ces branches, on obtient de nouvelles variétés distinctes de celle de l'arbre mère. Les mutations de bourgeons donnent le plus souvent des variétés plus mauvaises et peu productives. C'est pourquoi leur multiplication est indésirable.

 

SAUVEGARDE DES VIEUX SUJETS

 

RECHERCHE DE GREFFONS

La recherche de greffons sur un Diospyros kaki âgé et souffreteux dont on souhaite sauvegarder la variété doit s'effectuer au sommet de celui-ci. C'est la zone où l'on a le plus de chance de trouver des greffons, même si, à vue d'oeil, aucun rameau de l'année ne paraît prélevable, surtout si l'arbre est volumineux. Bien sûr, le recours à l'échelle ou à l'agilité d'un jeune homme sportif est souvent requise. Mais attention, en raison de la fragilité du bois de l'espèce et à la présence de nombreuses branches qui peuvent être sèches sans en avoir l'aspect, nous déconseillons formellement de grimper sur des sujets très hauts. Il vaut mieux alors essayer d'obtenir le repercement de rameaux (voir paragraphe ci-après). Ceux-ci pourront servir de greffons...

 

RÉGÉNERATION PAR REPERCEMENT

Ne pas hésiter à rabattre sévèrement les vieux sujets en difficulté de Diospyros kaki pour les régénérer. Les vieux arbres presque entièrement secs repercent facilement des charpentières, et même du tronc, après des tailles sévères de rajeunissement. Il en est de même pour les arbres rabattus de façon importante avant transplantation, d'ailleurs assez délicate (prendre toujours une motte). Cette technique permet soit de rétablir l'arbre, soit de pouvoir prélever des rameaux de l'année qui ont repercé pour les utiliser comme greffons de multiplication de la variété. Voici trois photographies qui attestent de la facilité de repercement sur un sujet âgé d'une quarantaine d'années, pourtant de vigueur modérée.
 

Diospyros kaki Thunb. : repercement avec fructification sur un tronc d'une quarantaine d'années

Diospyros kaki Thunb. : repercement avec fructification sur un tronc d'une quarantaine d'années.

 

Diospyros kaki Thunb. : repercement sur un tronc d'une quarantaine d'années (détail)

Diospyros kaki Thunb. : repercement sur un tronc d'une quarantaine d'années (détail).

 

Diospyros kaki Thunb. : repercement sur une grosse charpentière (sujet d'une quarantaine d'années)

Diospyros kaki Thunb. : repercement sur une grosse charpentière (sujet d'une quarantaine d'années).

 

OBSERVATIONS DE RUSTICITE

 

J'ai rassemblé ci-après des observations de rusticité de Diospyros kaki rapportées par des correspondants dignes de foi et expérimentés, qui les ont réalisées eux-mêmes. Les observations sont fournies pour des sujets en plein air et en pleine terre, sans protection par voile d'hivernage ou dispositif artificiel particulier.

A Mont-de-Marsan, pendant l'hiver 1985 : la température a chuté à -19 °C sans que les plaqueminiers du Japon ne subissent de dégâts.

Dans le département des Landes, janvier 1987 : quelques semaines seulement après sa plantation, un jeune plaqueminier du Japon a résisté sans séquelles à une journée de froid à -15 °C, se situant dans une période de huit jours consécutifs sans dégel.

A Nancy, période 1956-1986 : dans un article paru il y a quelques années, l'association  "Les Croqueurs de Pommes" présentait la photographie d'un Diospyros kaki centenaire, haut de 15 m et portant plus de 100 kg de fruits, situé à Nancy, 55 avenue de la Garenne. Il avait donc traversé les hivers exceptionnellement froids de 1956, 1985 et 1986 dans la belle région de Lorraine, que l'on ne peut qualifier toutefois de zone à climat doux. 

Plateau de Langres, hiver 2009-2010 : mon terrain est situé au pied du plateau de Langres. Le climat est plutôt continental, l’influence océanique étant très altérée. L'hiver 2009-2010 a été marqué par une rigueur particulière. Des grands froids ont sévi du 15 au 21 décembre 2009 et la température est descendue à -20,6 °C. Dans la journée suivante, la température la plus haute n'a été que de -12 °C. Une deuxième vague de froid est survenue vers le 5 janvier et le thermomètre est descendu à -17 °C. Aucune remontée positive dans la journée n’a été constatée jusqu’au 20 février, sauf quelques heures, soit un gel presque continu de 46 jours.

A l'issue de cet hiver rigoureux, voici le constat réalisé sur mes kakis, âgés de quatre ans et tous greffés sur Diospyros lotus : Diospyros kaki 'Jiro’ a perdu seulement quelques branches de l’année (environ 20 %), qui ont gelé, et reste vigoureux. Diospyros kaki ‘Hachiya’ est mort, complètement gelé (l’écorce a littéralement éclaté). Ce résultat n'est pas surprenant. Cette variété est la plus utilisée dans les vergers commerciaux californiens, et elle a la réputation de ne pas être de grande rusticité, même si elle n'est pas vraiment fragile.

L'hybride Diospyros kaki x Diospyros virginiana 'Rosseyanka' (nom commercial ‘Russian Beauty’) n’a subi aucun dégât. Ceci n'est pas surprenant pour cet hybride donné comme pouvant résister à -30 °C par certains observateurs, sans que l'on sache si l'on évoque des individus greffés sur Diospyros virginiana ou sur Diospyros lotus... Sur ce dernier point, indiquons qu'une telle température nous paraît au delà des conditions acceptables par Diospyros lotus d'après une observation d'un correspondant tchèque qui a constaté la mort des porte-greffes Diospyros lotus à des températures légèrement plus basses, alors que les variétés de Diospyros virginiana greffées siur ces porte-greffes n'avaient pas été affectées.

Pour les amateurs de plaqueminiers autres que celui du Japon, je signale en outre que le cultivar 'Meader' de Diospyros virginiana L. a confirmé sa très grande résistance au froid intense et prolongé, en ne subissant lui non plus aucun dégât. Il est donné par certains observateurs américains de même résistance au froid que l'hybride 'Rosseyanka', mais vraisemblablement greffé sur Diospyros virginiana et non Diospyros lotus.

 

HYBRIDATION DIOSPYROS KAKI / DIOSPYROS VIRGINIANA

 

Les hybrides entre le plaqueminier du Japon (Diospyros kaki Thunb.), d'origine asiatique, et le plaqueminier de Virginie (Diospyros virginiana L.), d'origine nord américaine, sont intéressants car ils combinent le fruit du premier et la résistance au froid du second. Les plus connus, tous deux d'origine russe, sont 'Nikitskaya Bordovaya' (nom commercial : 'Nikita's Gift' ) et 'Rosseyanka' (nom commercial : 'Russian Beauty'). Les hybrides entre plaqueminier du Japon et plaqueminier de Virginie sont multiplés par greffage, mais leur obtention s'effectue par semis après pollinisation contrôlée. Cette dernière doit obéir à une contrainte peu connue.

Il faut savoir en effet qu'il existe deux types de Diospyros virginiana L. L'un est doté de 60 chromosomes, et se rencontre à l'état naturel dans les régions méridionales des USA. L'autre est doté de 90 chromosomes, et est originaire de régions plus septentrionales (au-dessus de la zone géographique que les américains nomment le "Midwest"...). Ce second type est plus résistant au froid et plus précoce que le premier. Il produit en outre des fruits plus gros. L'espèce Diospyros kaki Thunb. est dotée de 90 chromosomes, et ne peut s'hybrider qu'avec le type de Diospyros virginiana L. possédant le même nombre de chromosomes.
 

Diospyros kaki x Diospyros virginiana 'Nikitskaya Bordovaya'

Diospyros kaki x Diospyros virginiana 'Nikitskaya Bordovaya' : fruits en cours de maturation.
(couleur rouge moyen à maturité.

 

 

Retour début article Début article   Retour
à la liste des articles Articles Kaki