Les fruitiers rares
 
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Article publié en 2014.
Auteur : François DROUET.
Photographies : François DROUET.
Tous droits réservés.

 

 

Les deux faux azéroliers italiens

 

 

 

La variabilité du fruit de l'Azérolier (Crataegus azarolus L.), qui fait l'objet d'un autre article de notre site, comble l'amateur de fruitiers rares. Mais il convient de ne pas augmenter de façon erronée la diversité au sein de l'espèce en y incorporant des individus qui sont en fait des espèces ou des hybrides différents. A cet égard, il existe une confusion particulière dans une grande partie des pépinières d'Italie, qui s'est propagée en France dans de nombreuses pépinières. Deux espèces (ou hybrides ?) de Crataegus à fruits rouges de saveur agréable sont vendues sous le nom d'Azérolie,r alors qu'il ne s'agit pas de l'espèce Crataegus azarolus L.

Dans les pépinières italiennes, si vous demandez un "azzeruolo" (azérolier) ou un "azzeruolo a frutti rossi" (azérolier à fruits rouges), on vous proposera très souvent un de ces deux faux azéroliers. Ceci même si l'on vous propose également un véritable azérolier. La distinction botanique entre ces faux azéroliers et le vrai Azérolier intéresse à vrai dire peu de monde. Même les rares professionnels qui savent que ces plants sont différents de ceux de l'Azérolier les nomment azéroliers.

Mais, comme nous le verrons ci-après, cela s'explique en grande partie par un usage ancestral du terme "azzeruolo" (azérolier) pour les deux faux azéroliers, qui s'impose naturellement. D'autre part, comme nous le verrons également ci-après, les deux faux azéroliers possédant des qualités indéniables, il y a certes erreur botanique mais aucune volonté de tromper le client. Toutefois, ces deux faux azéroliers ne conviennent pas si l'on recherche expressément un azérolier car leurs fruits, bien que de saveur agréable, sont inférieurs en taille et en goût à ceux d'un azérolier. Et il est dommage de croire posséder, et de présenter dans son verger, un azérolier alors que ce n'en est pas un...

De nombreuses pépinières françaises s'approvisionnant en Italie reproduisent l'erreur, mais sans bénéficier de la circonstance atténuante d'un usage ancestral du terme "azzeruolo" (azérolier) pour ces deux faux azéroliers. Il s'ensuit un effet encore plus pervers lorsque ces faux azéroliers sont multipliés par les pépiniériste français qui greffent eux-mêmes leurs azéroliers (très rares, il est vrai...). Ces professionnels conservent en effet le plus souvent le terme "azérolier" pour les plants des deux faux azéroliers qu'ils ont produits en France, par facilité de langage pour les présenter aux clients. Comme dans le cas de leurs homologues italiens, il n'y a pas volonté de tromper le client.

On reconnaît immédiatement ces faux azéroliers à leurs feuilles, qui ne sont pas les feuilles de l'Azérolier. Elles sont pleines et finement dentées sur le pourtour. Celles de l'Azérolier sont découpées en trois lobes, en général profonds mais plus ou moins selon les variétés. Chacun de ces lobes est également découpé à son extrêmité, plus ou moins selon la variété. Les feuilles ne sont pas dentées sur le pourtour. Si les feuilles permettent de distinguer immédiatement les deux faux azéroliers du vrai Azérolier, il existe de nombreuses autres différences entre eux : taille et forme du fruit, saveur de celui-ci, port de l'arbre, présence ou non de longues épines, période de fructification etc. Voir ci-après les feuilles de l'Azérolier.
 

Feuilles de l'Azérolier (Crataegus azarolus L.)

Feuilles de l'Azérolier (Crataegus azarolus L.).
 

Examinons les feuilles des deux faux azéroliers. Le premier spécimen présente des feuilles assez larges. Il est très précoce (juin, sur le littoral méditerranéen), et il produit des fruits ronds de couleur rouge.
 

Feuilles du premier spécimen (précoce)

Feuilles du premier spécimen (précoce).
 

Le second spécimen porte des feuilles plutôt étroites. Il est très tardif (octobre/novembre, sur le littoral méditerranéen), et il produit des fruits ovoïdes de couleur rouge.
 

Feuilles du second spécimen (très tardif)

Feuilles du second spécimen (très tardif).
 

Compte tenu de l'ampleur de la confusion en pépinière impliquant les deux faux azéroliers, il n'est pas conseillé d'acheter un azérolier à fruits rouges lorsqu'il est dépourvu de feuilles. Sauf si l'on connaît le pépiniériste, que l'on sait qu'il est connaisseur en matière d'Azérolier et qu'il saura indiquer si les plants proposés sont de l'espèce Crataegus azarolus L., ou s'il s'agit de l'un ou l'autre des deux faux azéroliers. Dans le cas d'un achat d'une variété d'Azérolier à fruits jaunes, la confusion avec les deux faux azéroliers (qui produisent des fruits rouges) n'existe pas en pépinière. D'ailleurs, en Italie, un azérolier à fruits jaunes sera le plus souvent proposé sous l'appellation "azzeruolo a frutti bianchi" ("azérolier à fruits blancs", les fruits étant en fait jaune pâle).

Le fait que ces deux Crataegus ne soient pas des azéroliers ne doit pas entraîner un rejet de ceux-ci. En effet, tous deux sont des fruitiers sauvages attachants, aux fruits d'un goût agréable. Ce goût n'est pas aussi marqué que celui d'une azérole, et surtout il ne comporte pas la note acidulée caractéristique de celle-ci. Le goût des fruits du spécimen précoce est différent de celui des fruits du spécimen tardif.

Outre la saveur agréable de leurs fruits, ces deux fruitiers possèdent deux atouts pour être introduits au verger : leur aspect décoratif (belle floraison blanche, et fructification rouge abondante), et le fait qu'ils engendrent un allongement significatif de la période des récoltes (trois mois avant la production de l'Azérolier pour l'un, et un mois et plus après, pour l'autre). Pour bénéficier d'une diversité maximale au verger, nous conseillons de planter trois variétés très différentes d'Azérolier : une variété  à port retombant lorsqu'en fructification et à fruits rouges, une variété à port érigé et à très gros fruits jaunes, une variété à port érigé et à gros fruits rouges (voir photographies dans l'article consacré à la variabilité du fruit de l'Azérolier). On complètera par les deux faux azéroliers dont la fructification encadre nettement la période de récolte des variétés d'Azérolier (qui débute deuxième quinzaine de septembre sur le littoral méditerranéen).

Mais quelle est donc la nature botanique de ces deux arbustes ? Il est très difficile de répondre à cette question. Le genre Crataegus donne lieu à de multiples hybridations interspécifiques. D'autre part, si certaines espèces sont bien connues et facilement identifiables par une personne expérimentée, d'autres requièrent pour être identifiées l'intervention d'un botaniste familier du genre Crataegus et en possession des clés d'identification des espèces... Je cultive depuis quelques années les deux faux azéroliers italiens (région de Toulon), et j'ai réfléchi au sujet de leur identité.

Pour le premier spécimen, plus précoce que l'Azérolier, je ne puis pas fournir de piste. Certes, il est pourvu de nombreuses épines très développées et bien visibles, ce qui fait penser en premier lieu à Crataegus crus-galli L. (Epine ergot de coq). Mais compte tenu de ses caractéristiques, la proximité avec cette espèce n'est pas démontrée. Je n'ai pas priorisé dans mes activités la recherche de l'identification précise de ce premier spécimen. Deux visiteurs de mon jardin botanique, un collectionneur de fruitiers sauvages et un pépiniériste intéressé par le genre Crataegus, m'ont proposé chacun le nom d'une espèce (différente). Dans les deux cas, après étude approfondie de l'espèce proposée, je n'ai pas été convaincu...

La vigueur de ce premier spécimen est très modérée (2,5 m). Ses rameaux sont caractéristiques : grêles, aérés, laissant nettement visibles de nombreuses épines longues, droites et perpendiculaires au rameau. Il perd ses fruits assez rapidement. Produisant deux à trois mois avant l'Azérolier, il n'a plus de fruits lorsque les azéroliers entrent en production.. Voir ci-après photographies des rameaux et de la floraison,  puis de la fructification.
 

Premier spécimen (précoce) : aspect des rameaux et de la floraison.

Premier spécimen (précoce) : aspect des rameaux, et de la floraison.
(noter les longues épines perpendiculaires aux rameaux).

 

Premier spécimen (précoce) : fructification

Premier spécimen (précoce) : fructification.
Crédit : Pinuccia Attanasio.
 

Le second spécimen (très tardif) peut atteindre entre quatre et cinq mètres de haut en terrain favorable. Mais il peut être contenu par la taille et conduit sur tronc bas. Son feuillage est assez dense. On observe des épines assez longues, mais en nombre modéré. Ce spécimen produit un à deux mois après l'Azérolier, et ses fruits restent en partie sur l'arbre après la chute des feuilles, très tard en saison. Cela lui confère un attrait décoratif supplémentaire. Il n'est pas rare que j'admire encore des fruits sur l'arbre à Noël... Voir ci-après photographies de ses feuilles et de sa fructification, puis d'un spécimen conduit sur tronc bas.
 

Second spécimen (très tardif) : feuilles et fructification.

Second spécimen (très tardif) : feuilles et fructification. 

 

Second spécimen (très tardif) conduit sur tronc bas

Second spécimen (très tardif) conduit sur tronc bas.
 

Concernant ce second spécimen, il me semble, sans en avoir la certitude, que nous sommes en présence d'une variété ou d'un hybride de Crataegus crus-galli L. (Epine ergot de coq). Mais il existe des différences entre l'espèce Crataegus crus-galli L. et le second spécimen. La différence majeure est que les fruits de Crataegus crus-galli L. sont insipides. Au delà, on observe chez Crataegus crus-galli L. des différences légères : épines plus nombreuses, feuilles de même forme mais plus larges, fruits plus petits, moins allongés et moins lenticellés, avec le reste du calice plus visible. Je note aussi que les saisons de fructification ne correspondent pas, celle de Crataegus crus-galli étant nettement plus précoce. Mais il faut garder à l'esprit que Crataegus crus-galli L. comporte de nombreuses variétés assez dissemblables.
 

Crataegus crus-galli L. : jeune sujet.

Crataegus crus-galli L. : jeune sujet.

 

Crataegus crus-galli : aspect général du feuillage et fructification

Crataegus crus-galli : aspect général du feuillage et fructification.

 

Crataegus crus-galli L. : feuilles et fruits.

Crataegus crus-galli L. : feuilles et fruits.

 

Crataegus crus-galli L. : feuilles et fruits.

Crataegus crus-galli L. : feuilles et fruits.
 

D'où provient la confusion d'appellation si répandue impliquant les deux faux azéroliers ? Selon moi, elle remonte au 19e siècle, époque où l'espèce Azérolier n'était pas aussi précisément définie qu'aujourd'hui. L'appellation commune "azzeruolo" (ou "lazerolo"), donnée en Italie indifféremment aux deux faux azéroliers comme au vrai azérolier, était alors reprise par de nombreux pomologues français et anglo-saxons. Voici quelques exemples de planches tirées d'ouvrages de pomologie du début du 19e siècle, qui nomment "azérolier" ou "azérole" des spécimens très ressemblants, ou identiques, aux deux faux azéroliers italiens (pour nous, d'espèce indéterminée, que nous appelons donc Crataegus species).
 

Crataegus species : planche 1 début 19ème siècle

Crataegus species : planche 1 début 19e siècle.
(noter qu'il s'agit du premier spécimen de faux azérolier que je cultive).

 

Crataegus species : planche 2 début 19ème siècle

Crataegus species : planche 2 début 19e siècle.

 

Crataegus species : planche 3 début 19ème siècle

Crataegus species : planche 3 début 19e siècle.

 

Crataegus species : planche 4 début 19ème siècle

Crataegus species : planche 4 début 19e siècle.
(noter une forte ressemblance avec le second spécimen de faux azérolier que je cultive).
 

Notons que Giorgio Gallesio, à la même époque, n'a pas versé dans la confusion dans son ouvrage général de pomologie italienne (Pomona Italiana), publié sous forme de fascicules de 1817 à 1839, comme dans le Traité de l'Azérolier (Trattato del Lazerolo) qui complète celui-ci. La description de l'Azérolier (aussi bien à fruits rouges qu'à fruits jaunes) correspond bien à l'espèce Crataegus azarolus L., et elle est illustrée avec des individus de cette espèce (sans confusion avec les deux faux azéroliers).

 

 

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